L' enfant du pays et l''estranger'.

Anne Townsend | 16 september 2011
Veuillez m'excuser si ces lignes sonnent comme le sermon du cure... Depuis quelques mois j'entends dire par les uns et les autres: « nous sommes si peu nombreux dans ces villages! On devrait quand meme bien pouvoir s'entendre. » D'accord, tout a fait d'accord. Mais comment s'y prendre?

D'abord il faut froidement constater que si l'on veut créer un enfer pour le voisin et le reste de la communaute, il n'y a rien de plus facile. Oui, nous avons un grand pouvoir de perversion, de desarmer les bonnes volontes, si tel est notre vouloir par esprit de vengeance ou simplement pour tester notre puissance.

Un doigt accusateur ne sert a rien (tout ca, c'est la faute de...) Reconnaissons que nous sommes tous capables de cette negativite, sinon coupables.

La deuxieme mesure a prendre est plus active: se demander quel est le point fort de notre propre personnalite et comment le mettre au service de la communaute. Ensuite, se poser la meme question pour 'le voisin' et s'encourager mutuellement a 'construire' la communaute.

Encore faut-il le connaître, ce voisin. D'ou l'importance des rencontres sur un terrain neutre, laissant les conflits de cote. Mais avons-nous envie de nous rencontrer? Peut-etre pas si l'autre est 'l'etranger' dont la parole ne pourra jamais faire poids a cote de celle de 'l'enfant du pays' qui surement a plus de droits que l'usurpateur du dehors.

Ici, pour montrer que cet antagonisme ne devrait pas exister, je voudrais evoquer un enfant du pays cevennol qui a decrit en long, en large et en travers ses Cevennes bien aimees: Andre Chamson. Ce membre de l'Academie Francaise voulait en meme temps etre citoyen du monde et se definir par tout ce qui etait 'natif' en lui. Il ne voulait pas etre un ecrivain regionaliste mais il reconnaissait que ses racines constituait ce qu'il etait.

'Etre citoyen du monde'... Pourquoi ne pas laisser 'le monde' venir dans nos villages?
Et je dis bien 'nos', parce que ce village de Valquieres, je l'ai adopte il y a 20 ans quand j'ai commence a le frequenter, et j'aimerais bien qu'il nous adopte, mon mari et moi-meme. Suis-je condamnee a etre une eternelle etrangere parce que mon pere avait choise la Marine avec les demenagements que comporte cette carriere et, par consequent, l'absence de racines? Il a combattu le nazisme et ne sommes nous pas solidaires devant cet effort de liberation de la France?

Quant a mon mari anglais, son grand-pere paternel repose dans un cimetiere de la Somme. Combien de Britanniques ont donne leur vie en France pendant la premiere guerre mondiale? Son grand-pere maternel a ete perdu en mer – ainsi que plusieurs oncles – pendant la deuxieme guerre, tous victimes du nazisme. La aussi, n'y avait-il pas une solidarite genereuse avec la France? Et la victoire a ete pour tous les Francais, y compris les habitants de notre commune. Alors, pourrait-on cesser de ranger les habitants dans une hierarchie ou le dessus du panier sont les 'enfants du pays'?

Une reflexion beaucoup plus grave sur ce sujet est de constater que, sous-jacent a cette perception de l'autre comme 'l'etranger', se cache une peur innee, souvent non reconnue, de la difference et de l'inconnu.

Peur qui peut conduire a l'agressivite, a la discrimination, au rejet de l'autre. Est-ce bien ce que nous voulons? Alors que partout, on essaie d'inculquer – aux enfants en particulier – que la difference de l'autre constitue une richesse pour nous tous. Essayer de comprendre le point de vue de l'autre est une ouverture d'esprit. Si nous voulons apprecier une sculpture, il ne faut pas la regarder toujours sous le meme angle, mais chercher tous les points de vue. Ou bien, rappelons-nous ce proverbe indien qui nous dit que pour connaître une personne il faut faire quelques kilometres chaussant les mocassins de cette personne.

De meme, notre voisin, enfant du pays ou etranger, trop original (pour ne pas dire cabour ou fada) ou trop terre a terre, possede une personnalite unique et interessante que nous devons decouvrir et apprecier. Nous ne pouvons que gagner a ce travail de decouverte.
     
La commune de DIO ET VALQUIÈRES, située dans le département de l'HERAULT, au pied des Cévennes, réunie trois hameaux DIO, VALQUIÈRES et VERNAZOUBRES, d'une importance quasi égale, et abrite 139 habitants sur une superficie de 1.877 hectares. La Gazette de Dio et Valquières est une initiative de citoyens concernés qui surveillent de façon critique la politique municipale.

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